Julien Hendrix enseigne les mathématiques à Bruxelles et fait partie du programme Teach for Belgium
Nous sommes tous confinés. Cette mesure s’applique à tous les Belges, quels que soient la commune, le niveau de revenu, ou l’origine sociale (passons sur le métier exercé qui compliquerait fort notre propos). Est-elle alors égalitaire ? Tous les Belges sont-ils impactés de manière similaire par cette mesure ?
Vivez-vous en appartement ou dans une grande maison avec jardin ? Vivez-vous seul ou en famille nombreuse ? Avez-vous accès à internet ou pas ? Peut-être ressentez-vous une injustice lorsque certains bénéficient du club de tennis ou de kayak proche de chez eux. Ou quand leur maison en périphérie leur donne accès à des zones vertes à pied. De nombreux facteurs influencent la manière dont nous vivons ce confinement, même si la règle théorique est la même pour chacun.
Le système éducatif belge est similaire à cette situation, sauf qu’il n’a rien d’exceptionnel ni de temporaire. La même règle, celle de l’enseignement gratuit et obligatoire jusqu’à 18 ans, est vécue de manière très différente en fonction des situations personnelles. Les élèves, aujourd’hui, n’ont pas les mêmes chances de réussite. Comme le démontrent les études PISA (2015), à 15 ans, les élèves ont en moyenne trois années d’apprentissage d’écart en fonction qu’ils soient issus de milieux socio-économiques faibles ou élevés.
Mettons-nous dans la peau d’un élève de 15 ans qui ne réussit pas bien sa scolarité. Il n’a que peu de temps pour ses devoirs à la maison car il doit aider ses parents. Ceux-ci ne savent pas l’aider pour une rédaction ou un travail de math. Il manque de matériel et n’a pas accès à internet à la maison. Ses chances de réussite sont bien inférieures à celles d’un autre qui bénéficie de soutien, de matériel, de temps. La règle est la même pour tous. Pourtant la différence est notable concernant ces 2 situations.
Si le déconfinement est en route, la règle de supposée égalité face à l’éducation est bien encrée et difficile à déloger. La méritocratie, qui favorise ceux qui ont déjà des moyens avantageux, doit faire place à une vraie justice, équitable en fonction des moyens réels. Et l’enseignement à distance, connecté, s’il ne prend pas en compte les difficultés d’accès et d’encadrement, n’est certainement pas une avancée en ce sens.
La réouverture des écoles révèlera-t-elle le fossé creusé encore plus profondément par ces iniquités ? Qu’en est-il des impacts académiques et émotionnels à long terme ? Espérons que le gouvernement saura saisir l’opportunité de cette crise, afin d’investir dans une éducation de qualité pour tous.