Alicia fait le point
La journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale le 21 mars et le mois de l’histoire des Noir.e.s tout au long du mois de mars nous rappellent qu’il est non seulement pertinent mais tout simplement nécessaire de continuer à sensibiliser au sujet de la discrimination raciale, la diversité et l’inclusivité à tous les niveaux de notre société.
Comment faire en sorte que toutes les vies comptent ? Que chacun.e se sente respecté.e et valorisé.e. ? Qu’il y ait une plus grande prise de conscience parmi nous tous.tes sur les préjugés et injustices qui règnent encore dans notre société ?
Revenons un peu en arrière.
Le mouvement Black Lives Matter (BLM) a émergé des Etats-Unis en 2020, dans un contexte historique et politique qui leur sont propres.
Arrivé jusqu’à nos frontières, il fait également débat sur plusieurs plans et pose la question suivante : pourquoi se doter d’un slogan ne parlant que des Noir.e.s alors que toutes les vies comptent ?!
1. Est-ce que toutes les maisons comptent ?
Avec Black Lives Matter, il ne s’agit pas (uniquement) de vous.
En tant que citoyen.ne et surtout en tant que professeur.e, il devrait être important pour nous de pouvoir mettre en lumière chaque groupe dominé dans notre société, d’entendre les discriminations liées à des positions (être Noir.e dans une société de Blanc.he.s, être une femme dans une société patriarcale, etc.) et de lutter jusqu’à leur totale disparition.
Ma solution de départ, c’est d’écouter les autres, ces personnes qui vivent d’autres réalités. En leur laissant de la place dans les médias, dans l’espace publique et dans les zones de pouvoir.
En arrêtant de minimiser (voire d’inférioriser) leurs récits et leurs souffrances.
En conférant de la légitimité à leurs paroles et à leurs actes, pour commencer.
Une journée comme la Journée contre la Discrimation Raciale et le mois de l’histoire des Noir.e.s aide les personnes racisées non seulement à se faire entendre, à prendre de la place, à se sentir plus légitime, mais également à sensibiliser et à mettre en lumière les discriminations vécues par certains groupes et de reconnaître les réalités de chacun.e. De plus, cela nous permet également d’élargir nos connaissances et de valoriser des histoires qui ne nous sont pas a priori apprises et qui sont tout autant à valoriser.
2. En tant que professeur.e, que pouvons-nous faire ?
Nous ne sommes pas exclusivement des voix qui apprenons aux autres : nos élèves ont énormément de choses à nous apprendre. Nous devons pouvoir faire un pas de côté pour mettre en lumière les histoires de nos élèves, leur histoire et leurs points de vue sur les inégalités qui persistent.
Nous devons nous battre pour que leur histoire soit enseignée dans nos classes, pour qu’iels sachent d’où iels viennent et comme leur culture est tout aussi riche et intéressante que celles qu’on leur fait apprendre traditionnellement.
Nous devons pouvoir remettre en question notre société, nos institutions et comment certaines discriminations continuent de persister.
Les écoles dans lesquelles nous travaillons sont souvent le résultat des effets de relégation qui ont regroupé toute une partie de la population (souvent de classe populaire et étrangère) pour la former à des métiers peu valorisés et souvent subalternes. Ces élèves auront dès lors peu de chances d’accéder à des zones concrètes de pouvoir et leurs compétences seront souvent minimisées.
De plus, notre système d’enseignement continue de valoriser des codes, des normes, des valeurs partagées collectivement et majoritairement par des « blancs éduqués » aux ressources financières, culturelles, sociales et symboliques non-négligeables. N’y voyons là aucun jugement, juste un constat dressé depuis des années en socio-anthropologie.
En tant que professeur.e, nous ne réalisons pas toujours que nous faisons également partie de plusieurs groupes privilégiés et qu’en tant que tels, il est de notre devoir de pouvoir aménager nos salles de classe et nos 50 minutes de cours pour nos élèves. Il est de notre devoir d’enlever tout malaise face au « BLM » en expliquant à nos élèves, à nos familles et à nos ami.e.s l’importance de pouvoir crier ce slogan et l’importance de pouvoir dénoncer les injustices subies par certains groupes. Après l’école, nos élèves feront souvent partie de pans entiers de la société qu’on ne montre pas – ou seulement dans un contexte négatif – et qu’on n’écoute pas. A nous de pouvoir leur donner une place en premier lieu dans nos classes, ensuite dans nos esprits et enfin dans la société que nous voulons construire avec eux.
Mais avant d’écouter nos élèves, renseignons-nous, soyons prêt.e.s à aborder la question avec nos élèves, amenons le débat dans nos classes et faisons enfin bouger les choses. A ce sujet, je vous conseille la littérature socio-anthropologique accessible partout : Bourdieu & Passeron, Angela Davis, Beaud, Mirelle-Tsheusi Robert, Edouard Saïd, Nouria Ouali, et beaucoup d’autres.
Alicia est alumna du programme Teach for Belgium, mentor de nos particpant.e.s et formatrice. À l’occasion des 10 ans de Teach for Belgium elle a facilité, aux côtés de notre alumna Christina, le module ‘Décolonisation de l’esprit, de la langue et des pratiques pédagogiques’ pour une prise de conscience accrue dans les établissements scolaires sur le sujet et pour un enseignement plus culturellement sensible.
. Le module, entièrement développé par Christina, actuellement enseignante d’histoire et de citoyenneté à Campus Comenius (Bruxelles) et formatrice inclusivité à Universitair Centrum voor Ontwikkelingssamenwerking, a permis de réaffirmer un profond engagement pour une meilleure connaissance de l’histoire coloniale belge afin de lutter contre ses effets encore trop présents dans nos classes. Nous tenons à remercier Christina pour sa précieuse expertise sur le sujet et son engagement au quotidien pour un enseignement plus inclusif.
Chez Teach for Belgium, nous sommes convaincu.e.s qu’une meilleure connaissance de soi et de sa positionnalité dans la société permettent à nos professeur.e.s de valoriser davantage les richesses culturelles dans leurs classes. C’est pourquoi notre trajectoire de formation de deux ans intègre plusieurs modules à ces sujets et notre association s’engage à sensibiliser comme elle peut les acteur.rice.s de l’enseignement sur la thématique.
En savoir plus sur notre programme ? C’est par ici : enseigner via Teach For Belgium.
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