En 2019, Laetitia a rejoint le programme de formation et d’accompagnement de Teach for Belgium et ainsi intégré la cohorte des Ubuntu. Cela fait maintenant 5 ans qu’elle met toute son énergie et sa créativité au service de l’apprentissage de ses élèves en tant qu’enseignante de français dans une Athénée néerlandophone à Bruxelles. Laetitia considère son métier d’enseignante comme un travail de chercheuse. Elle nous partage ici l’une de ses expériences récentes pour faire de ses élèves des citoyen.ne.s capables d’articuler leurs idées et de s’exprimer avec aisance et conviction.
Comment donner aux élèves l’envie et le plaisir d’apprendre ? Pour parvenir à répondre à cette question, je dirais qu’enseigner est en partie un travail de chercheur.se qui ne s’arrête jamais.
Je tente alors des expériences. Souvent la sauce ne prend pas de la façon dont je le souhaite mais de temps en temps, je vis des moments inattendus qui me remplissent de fierté. Cette année, j’ai pris le risque d’inscrire deux classes à un concours d’éloquence. Pour les élèves en général, la prise de parole en public est un moment de stress désagréable à passer. Alors quand je leur ai parlé d’un projet interscolaire où iels allaient être amené.es à prendre la parole devant des personnes qu’iels ne connaissaient pas, leur enthousiasme s’est avéré limité.
Pourtant lors de la finale de ce concours, l’une de mes élèves, une jeune fille au tempérament plutôt discret, a dû remplacer l’une des personnes de son groupe en dernière minute. J’étais stressée pour elle, peur de la voir trembler, s’embrouiller, perdre ses mots. Elle a pris la parole et a déclamé son texte avec conviction, sans trembler, avec toute sa présence. Elle a utilisé des mots justes. Elle a énoncé de belles paroles pleines de sens. Elle a été convaincante. Plus tard, elle m’a dit « Madame, en fait, je réalise que j’aime ça ». Grâce à une vidéo prise par l’une de ses amies, elle a gardé une trace de ce moment intense. Ce petit film de deux minutes a émerveillé ses parents et m’a émue également.
Pour donner du plaisir à l’apprentissage, certains ingrédients fonctionnent mieux que d’autres. Donnant cours à des élèves de section technique, j’estime qu’il est important qu’iels soient confronté.es à des aspects pratiques et concrets qui ne peuvent se découvrir qu’en dehors d’un cadre scolaire « classique » : un.e professeur.e qui récite son cours et les élèves qui notent et posent une question de temps en temps.
Je pense que pour aider mes élèves, il faut d’abord aller au-delà du programme officiel. Ce programme est conçu pour des élèves qui parlent principalement le néerlandais, mais mes élèves parlent plus souvent français en dehors de l’école. Donc, le matériel de cours est souvent trop facile, les exercices deviennent vite ennuyeux et le niveau demandé, surtout à l’oral, n’est pas assez stimulant pour intéresser mes élèves.
Mais comment les motiver et les mettre au défi sans les écraser ? Souvent, je me retrouve confrontée à des élèves pour qui le français, c’est le cours « facile », celui qu’iels réussissent « au talent » (sans étudier) disent-iels avec fierté parce que le français, ils connaissent déjà. Il me faut donc trouver des astuces pour pousser mes élèves hors de leur zone de confort bourrée de mots usés car trop utilisés et surtout, trouver le moyen de les mettre au défi sans prétention.
En conclusion, je plaide pour que les programmes scolaires s’adaptent à la réalité des écolier.ière.s de Bruxelles et pour faire sortir les apprenant.e.s du cours au sens étroit du terme pour une mise au défi originale où iels puissent sentir le plaisir et la signification qu’une fine maitrise de la langue procure. Je suis persuadée que le plaisir de pouvoir s’exprimer clairement et aisément devant les autres sommeille en chacun.e de nous. Le tout est, comme pour mon élève, d’en avoir l’occasion et les outils.
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