J’enseigne pour ces jeunes qui ne croient plus en eux et qui sont pourtant les acteurs de demain. Un pari fou qui en vaut la peine.

Notre génération a été bercée par la précédente à coups de refrains nous mettant en garde contre le réchauffement climatique, l’importance de mettre du sens dans nos vies, de vivre main dans la main. Refrains qui ont perdu de leur superbe car trop souvent répétés en sourdine. Refrains mis en place pour remettre à flot l’humanité, mais qui auront en quelque sorte contribué à saboter le navire sur lequel nous nous trouvons tous.

Parlez de sens autour de vous et les regards se lèveront au ciel. L’attention deviendra dilettante, mais sera prête à rebondir à la mention d’un “vrai sujet”, tel que le bitcoin, fleuron de la nouvelle industrie.

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L’an dernier, mon cycle académique touchant à sa fin, je me suis rendu aux traditionnels Job Fairs, véritables institutions fleurissant sur les campus universitaires à certaines périodes. Différentes entreprises s’y réunissent dans le but d’attirer des jeunes pousses à la recherche de leur premier job. C’est donc là, dans cette atmosphère effervescente où de nombreuses entreprises me promettaient toutes un avenir plus brillant les unes que les autres, que je suis tombé sous le charme d’un stand qui sortait du lot, où les mots clés qui m’attiraient n’étaient ni “salaire” ni “avantages fiscaux”, mais bien “impact sociétal” et “sens”.

Il était ici question d’enseigner dans des écoles à indice socio-économique faible. Ces refrains me revenaient, ces discours prenaient sens, j’avais la possibilité d’agir, de me battre pour une problématique qui me paraît vitale : le défi de l’enseignement.

Si je crois en ce défi, c’est pour deux raisons majeures. Premièrement, parce que je suis persuadé que notre monde s’oriente vers un melting-pot de couleurs bariolées et d’échanges interculturels et je crois qu’en tant qu’enseignant, je peux, nous pouvons, préparer les acteurs de demain. Nous vivons dans un monde complètement interconnecté où les transports et les communications n’ont jamais été aussi rapides. Nous traversons des crises migratoires et observons des réflexes identitaires qui sont notamment dus à cette prise de conscience de l’interconnectivité de notre planète. Cette globalisation peut effrayer, mais bien gérée, elle peut aussi énormément nous apporter.

Deuxièmement, je le fais pour mes élèves, pour ces jeunes de toutes les origines qui ne croient plus en eux parce que personne ne leur a dit qu’ils le pouvaient et qu’ils étaient capables. Les questions qui sont revenues dans chacune de mes classes étaient les suivantes : “Mais Monsieur, avec vos diplômes, pourquoi vous venez enseigner ? Et ici en plus ? Vous avez regardé l’école avant de venir ? Vous avez vu les élèves ?” Questions souvent agrémentées d’un “Vous êtes fou !” ou autre “À votre place, j’irais gagner dix mille euros par mois et je nous laisserais ici, car de toute façon, on est bêtes”.

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Bêtes ? Loin de là, ces jeunes sont vifs et pour certains très ambitieux. Seulement, ils n’ont souvent pas l’occasion de déployer leur potentiel. Comme par exemple Salma, qui rate son interrogation parce qu’elle ne peut travailler chez elle que lorsque tout le monde dort, entre minuit et six heures. Comme Ibrahim, qui ne peut pas imprimer son devoir parce que sa mère n’en a pas les moyens. Ou encore comme Elyana qui ne maîtrise pas les bases en mathématiques parce que venant d’Iran, elle n’a pas pu suivre l’école en Afghanistan. Lorsque j’entends leurs histoires, je sais que je peux être utile. En les écoutant, en leur faisant confiance, en prenant le temps, je peux leur donner ce coup de pouce nécessaire pour qu’ils puissent voler de leurs propres ailes !

Si c’est pour l’enseignement que mon cœur penche aujourd’hui, écoutez le vôtre dès à présent. Étudiants, jeunes ou moins jeunes professionnels, votre cœur vous soufflera certainement la direction à emprunter. Et n’oubliez pas : “Soyez le changement que vous voulez voir dans ce monde”, citation à laquelle j’ajouterais : “Aujourd’hui et maintenant”!