Enseigner le néerlandais en Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas une tâche facile. C’est même un combat quotidien…
Depuis un mois déjà, l’école a repris. Je découvre de nouveaux visages et les élèves ont toujours les mêmes réflexions quand ils me voient pour la première fois : “Oh non, pas le cours de néerlandais !”, ou “Je vous le dis déjà, madame, je suis nul en flamand.” Enseigner le néerlandais en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) n’est pas une tâche facile, c’est même un combat quotidien. Cependant, c’est un challenge que j’aime relever, car il est plus que nécessaire.
Malgré l’apprentissage précoce du néerlandais à l’école primaire, parfois même à l’école maternelle, on constate que le niveau des élèves en fin de sixième secondaire est bien loin des résultats escomptés. Ce constat m’a intriguée et m’a incitée à enseigner cette langue que peu de francophones portent dans leur cœur. Je voulais comprendre les obstacles auxquels mes élèves faisaient face afin d’y remédier.
Mon plus grand constat est que la manière d’enseigner doit être valorisante pour l’élève. Selon moi, apprendre des listes de vocabulaire toutes faites par cœur et faire des exercices sans en voir le sens ne riment à rien. Par ailleurs, je me suis très vite aperçue que les jeunes francophones ont de nombreux préjugés sur les néerlandophones, et vice-versa. Ce qui ne les motive pas à vouloir se rencontrer, et encore moins à apprendre la langue des autres. De plus, l’accès aux activités néerlandophones à Bruxelles est limité aux élèves francophones, et vice-versa, à cause des questions de subsides et des conflits linguistiques.
Ajoutons que la pénurie de professeurs de néerlandais, les irrégularités des heures de cours à cause d’absences ou de maladies, l’absence de néerlandophones dans l’enseignement francophone, les freins administratifs pour y enseigner en tant que néerlandophone et le contenu peu en adéquation avec les intérêts des élèves sont également sources de démotivation. Au fil des années, certains élèves ont même développé une phobie du néerlandais, ce que je trouve assez alarmant.
Heureusement, dès mes débuts, j’ai eu la chance de rencontrer une collègue formidable qui a chamboulé ma vision de l’enseignement. “Le néerlandais, on ne l’enseigne pas assis derrière un banc : on doit l’appliquer, et de préférence en jouant.” Elle m’a appris à accrocher les élèves via les jeux, et ça marche !
Grâce à des atelier tels que “Spelen in het Nederlands” que nous donnons en début d’année, nous essayons de rendre le néerlandais plus attractif. Dans ces ateliers, nous tentons de casser les préjugés que les élèves peuvent avoir sur le néerlandais et les néerlandophones. Par des jeux ludiques, nous amenons les élèves à oser parler, même s’ils font des fautes, et les aidons à réaliser qu’ils ont plein de possibilités pour élargir leur vocabulaire, que ce soit à travers des sorties, des jeux de pistes, ou en étant attentifs à ce qui les entoure quand ils se promènent dans une Bruxelles plus bilingue qu’ils ne le pensent.
Après un an d’essai, nous observons déjà une belle évolution chez la grande majorité des élèves. Les appréhensions diminuent et l’envie d’essayer est là. Toutefois, même si nous avons mis plusieurs stratégies en place, nous nous apercevons que ce sont souvent les élèves qui sont les plus stimulés et soutenus à la maison qui avancent le plus vite. Leurs camarades avancent, mais à petits pas. Par conséquent, l’écart de niveau s’agrandit involontairement.
Afin de réduire l’écart, les enseignants ont besoin de davantage de temps. Il leur faut en effet préparer des cours de qualité, suivre des formations qui répondent à leurs besoins spécifiques, et des moments de soutien et de collaboration avec des professionnels (logopèdes, assistants sociaux, neuro-psy, etc.).
Nos élèves ont besoin de retrouver confiance en leur capacité d’apprendre, et nos enseignants, en leur capacité d’enseigner. Alors, pourquoi ne pas faire tout cela via des activités ludiques ?
Christina, professeur de néerlandais dans la FWB. Cet article a été publié le 7 octobre 2019 dans le cadre d’un column pour le journal La Libre.