Prof, un métier solitaire ? Pas si sûr.

Delphine La Libre

Le partenariat entre enseignants est possible. Et il porte surtout des fruits auprès de tout le monde.

On entend souvent dire que le métier d’enseignant est un métier solitaire. Que chaque professeur dispense son cours, sans particulièrement interagir avec ses collègues. Pourtant, le travail en collaboration est bel et bien présent dans de nombreuses salles des profs. C’est ainsi que l’an dernier, un projet collaboratif entre enseignants est né dans notre école secondaire bruxelloise.

Tout est parti d’une réflexion d’une élève disant en classe “Mais madame, on ne veut pas d’enfants, vous avez vu comment le monde va mal ?” Difficile de trouver normal qu’une jeune puisse penser cela à 15 ans. À cela se sont ajoutées les marches audacieuses des jeunes pour le climat que nous aurions dû engager bien avant, quand nous avions leur âge.

Le problème était donc posé, il fallait que nous, enseignants, prenions nos responsabilités. Comme l’a si bien dit un collègue “Parler de ces sujets-là, c’est s’occuper d’eux”. C’est ainsi qu’avec une équipe d’une quinzaine de professeurs, toutes matières confondues, nous nous sommes lancé le défi de sensibiliser nos 120 élèves de 3e secondaire aux problématiques de notre mode de consommation et des déchets, de leur diminution et de leur revalorisation.

Comment ? Après avoir sillonné la ville à la recherche de déchets en tout genre, nous avons réalisé une dizaine d’ateliers autour de la consommation responsable et de l’upcycling (récupération de produits ou matériaux dont on n’a plus besoin). Les activités ont été organisées durant une semaine consacrée à la pédagogie par l’action. Des professeurs se sont chargés de créer des ateliers en se lançant dans des activités complètement inédites. C’est ainsi que deux collègues, enseignantes en néerlandais et en art, se sont aventurées à créer des produits ménagers naturels et des Tawashi (vous voyez ces éponges réalisées à partir de tissus recyclés ?). Désormais, des dizaines de Tawashi réalisés par les élèves ornent les salles de classes ou nos salles de bains.

Dans un autre atelier, une enseignante en français a proposé la construction d’hôtels à insectes réalisés à partir de matériaux de récupérations. Des élèves qui, jusque-là, n’avaient jamais tenu de scies ou de marteaux de leur vie se sont retrouvés à clouer et assembler divers objets avec pour résultat de magnifiques créations uniques en leur genre. Malgré le bruit assourdissant, quel plaisir de sortir de classe en ayant partagé une expérience inédite et construit un objet de ses propres mains.

Parmi d’autres souvenirs, ce garçon de 15 ans tout heureux d’être initié au tricot par son professeur de math, ou encore cette superbe lampe réalisée à partir de détritus dont l’assemblage par une jeune de 16 ans est supervisé par ses professeurs de sciences et d’art. Un an plus tard, cette même élève nous fait part de sa fierté d’utiliser au quotidien sa lampe “fait maison”. Il y a aussi cet atelier animé par un étudiant en musicologie (futur enseignant) qui leur a appris à jouer et à composer de la musique à l’aide d’instruments créés par eux-mêmes.

Ce ne sont ici que quelques exemples parmi la dizaine d’ateliers proposés. Cette semaine inoubliable s’est soldée par un goûter géant zéro déchet avec présentation des créations, non sans une certaine fierté, sous un air de musique “recyclée”.

Ce projet a permis de créer une relation tout autre entre les élèves et les enseignants, inédite et vraie. Tout au long de la semaine, les jeunes ont développé des compétences telles que la communication, l’empathie et ont réellement pris conscience de leur mode de consommation.

Pour nous enseignants, la collaboration nous est apparue comme une évidence de ce que doit être notre profession. Nous avons essayé d’agir avec toute la bienveillance et l’amour que nous portons à ces jeunes à travers notre métier. Le partenariat entre enseignants prend tout son sens lorsque nous mettons les élèves au centre de notre réflexion. Les méthodes peuvent varier, les mentalités aussi mais, quelle que soit la collaboration, elle portera ses fruits.

Delphine, professeur de sciences dans la FWB. Cet article a été publié le 4 novembre 2019 dans le cadre d’un column pour le journal La Libre.

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